Spirituelle et combattante avec l’Ordre de Malte dont il fut jusqu’à la Révolution le Grand-Prieuré du plus important de ses territoires, la langue de Provence ; artistique et visionnaire avec le peintre Jacques Réattu qui l’acheta en 1796 pour y vivre et y travailler, l’identité des lieux s’est construite avec les missions et les rêves de ses hôtes successifs : des moines-soldats et un artiste.
Par un étrange parallélisme, le palais des bords du Rhône aura été, pour les premiers comme pour leur successeur, à la fois un refuge, un repli – dans une bâtisse aux allures de forteresse – et l’instrument d’un idéal. En branchant son grand atelier sur la ligne de flottaison du paysage, Jacques Réattu le dédiait définitivement à la création ; mais à l’intérieur de cette histoire – plus de deux siècles pour les Grands Maîtres, une trentaine d’années pour Réattu, mort en 1833 –, un moment vibre, plus qu’un autre, celui où le peintre, porté par le désir que lui inspirent les lieux, rêva d’y accueillir en résidence des artistes, pour leur offrir la lumière et l’ampleur de son paysage ; en somme, 60 ans avant l’heure, l’idée-même de “l’Atelier du Midi” qui hantera van Gogh.
C’est de ce souffle-là que le musée a hérité en même temps que tout l’œuvre du peintre.