Véronique Ellena, Le fauteuil de Balthus, Villa Médicis, Rome, 2008 (prise de vue) 2017-2018 (tirage), ex. 2/5, tirage lambda d'après négatif 4x5, 150 x 120 cm © Véronique Ellena. Achat avec l'aide du FRAM
C'est à Christian Lacroix que le musée Réattu doit sa première rencontre avec Véronique Ellena. Lorsqu'il reçoit en 2008 sa carte blanche pour investir le musée, le créateur choisit d'inviter une cohorte d'artistes tout à fait inédits pour l'institution, comme Guillaume Janot, Bernard Quesniaux ou Véronique Ellena. Les photographies de cette dernière, disséminées en différents points du parcours, se révélèrent les plus à même d'entamer un dialogue fructueux avec les collections du musée : ses Cyclistes voisinèrent avec La vision de Jacob de Jacques Réattu ou le Christ médiéval de l'église de Mas-Thibert, ses Natures mortes de la Villa Médicis avec celles du peintre provençal Meiffren Conte. À travers la mise en regard directe de ces oeuvres d'époques et de médiums différents, Christian Lacroix soulignait ainsi une évidence : les photographies de Véronique Ellena trouveraient au musée Réattu un écrin propice à l'épanouissement d'un oeuvre qui convoque avec tant de finesse l'univers de la peinture. C'est pourquoi dix ans après, le musée Réattu a décidé d'organiser la première rétrospective de l'artiste. Cette exposition a fait état de trente années de création et a proposé une relecture inédite de ses séries emblématiques (Les Grands moments de la vie, Les Classiques cyclistes, les Natures mortes, Les Invisibles etc.), ainsi qu'une plongée dans un travail complètement nouveau et expérimental : Les Clairs-Obscurs. Les Clairs-Obscurs naissent d'une révélation esthétique. L'artiste, qui procède en 2016 à la numérisation d'un plan-film argentique jamais utilisé auparavant – celui d'une photographie prise en 2008 dans les anciens appartements de Balthus à la Villa Médicis –, décide de le développer et de l'agrandir tel quel. Aussi simple que fulgurant, ce procédé bouleversait l'univers photographique de Véronique Ellena. En puisant ainsi aux origines de la photographie – un outil mécanique de reproduction du réel – et à la source de lieux « habités », Les Clairs-Obscurs finissaient par constituer une suite de contes visuels à la dimension presque métaphysique, qui multipliaient les ponts entre la réalité et la fiction, le passé et le présent, tout en conservant la spiritualité légère qui innerve l'oeuvre de l'artiste depuis ses débuts. C'est à ce corpus d’oeuvres que le musée Réattu s'est intéressé dans le cadre d'une acquisition venant pérenniser la présence de Véronique Ellena dans ses collections. Cinq photographies, dont deux spécialement conçues pour l'occasion, ont été choisies avec l'artiste pour se lier le plus intimement possible aux collections permanentes, beaux-arts comme photographiques. Toutes s'inscrivent dans le principe de relecture poétique de l'Histoire de l'art que le musée met en oeuvre à travers ses accrochages et ses expositions. C'est enfin à travers la démarche plasticienne de cette ensemble que Véronique Ellena trouve sa place au sein des collections photographiques du musée. En explorant les capacités plastiques du plan-film argentique – transparence, couleurs, capacité d'agrandissement – elle prolonge à sa manière une réflexion sur le médium dont le musée conserve différentes incarnations depuis les années soixante-dix : les Autochimigrammes de Pierre Cordier ; les Formols band, Les Astéroïdes et Les gémelles de Patrick Bailly-Maître-Grand (périphotographies et monotypes) ; les Electronogrammes d'Yves Trémorin (images obtenues sans lumière au moyen d’un microscope électronique); les Déesses de Nancy Wilson-Pajic (photogrammes cyanotypes) ; ou encore les Icônes sans titre de Katerina Jebb (scans de robes haute couture).