Une première exposition, organisée au musée par Jean-Maurice Rouquette en 1957, avait contribué à réactiver les liens que l'artiste avait toujours entretenus avec Arles, liens d'autant plus profonds que s'y croisaient sa passion d'Andalou pour la corrida, et plus essentielle encore, la présence de Vincent van Gogh, brûlé à sa peinture, la plus obsédante de ses figures tutélaires.
C'est d'ailleurs l'année suivante, à Vauvenargues, que Picasso entreprendra la série des huit portraits de Jacqueline en Arlésienne, écho amplifié des Arlésiennes réalisées en 1912, puis à nouveau en 1937, avec cette fois Lee Miller comme modèle, qui, pas plus que Jacqueline, n'a à aucun moment revêtu le costume, mais puise aux jaunes virés des portraits de Madame Ginoux de Vincent.
En 1971, deux ans avant sa mort, Picasso scelle son attachement à Arles, en offrant au musée un ensemble soigneusement choisi de cinquante sept dessins, tout juste éclos, très représentatifs des longues séries qu'il réalise à cette époque, marqués par une extraordinaire fièvre picturale : une sorte de journal du peintre, "écrit" pour ainsi dire à main levée, à la craie, au feutre, à l'encre..., et où trois thèmes se conjuguent, en d'innombrables variations : l'Arlequin, le Peintre et son modèle, et surtout la haute figure du Mousquetaire, moitié hidalgo / moitié matador, fascinant autoportrait final. L'étude de cette série de dessins révélera ensuite qu'au-delà du souvenir de Rembrandt, de Velázquez ou du Greco, qu'aimante comme on le sait le thème du Mousquetaire, Picasso avait à ce moment invité dans son théâtre aussi bien les échos de la grande fête gitane vécue à Arles que le maintien sévère des Chevaliers de Malte.
Un don "historique" à plus d'un titre, qui redonnait une nouvelle vie aux collections ainsi qu'une nouvelle place au dessin, déjà si présent dans l'oeuvre de Réattu, et qui devait se révéler un ferment des plus actifs.