Cette 25ème édition des phonurgia nova awards – qui intervenait dans le contexte inédit de la pandémie – a gardé le cap en célébrant la liberté de raconter avec et par les sons, sur les ondes et au-delà. Dans la lignée des précédentes, et dans chacune des 5 sections qui la composent, elle a récompensé des auteur.e.s qui, par mille et un chemins esthétiques, repoussent les frontières de l'écoute.
Le Prix du « Field recording » (Paysage sonore) de la Ville d’Arles / Musée Réattu 2020 a été décerné dimanche 4 octobre à la BnF, Bibliothèque Nationale de France François Mitterrand, à Pablo Sanz pour sa pièce « strange strangers », produit par la radio nationale Tchèque.
Quand on pense paysage, on pense immédiatement photographie, surtout à Arles. Pourtant, voilà plus de 50 ans que le paysage fait l’objet d’une attention soutenue de la part des artistes du son. Plus qu’un simple thème d’inspiration, le paysage sonore est devenu un objet d’étude et de création. En France, les pionniers de cette démarche ont été Luc Ferrari et Knud Viktor (ce dernier exposé au musée Réattu en 2009). Dès les années 60, ces artistes ont mis en évidence les dimensions esthétiques du paysage sonore, à l’aide de micros. A leur suite, toute une génération d’artistes a fait de la question de l’écoute de notre environnement son champ privilégié d’investigation.
Comme le rappelait opportunément l’artiste italien Alessandro Bosetti : « Un paysage sonore peut être entendu de différentes manières : on peut s’y baigner comme dans une rivière qui coule à l’infini ou le fixer comme le fait le premier regard avec une image ; on peut en examiner de près les détails les plus infimes ou les éloigner pour en faire un arrière-plan quasiment imperceptible qui colore notre expérience quotidienne. L’auditeur immergé dans un paysage enregistré peut adopter un rôle actif ou, au contraire, laisser les sons agir sur son imagination de manière inconsciente ».
De fait, il n’y a pas qu’une posture d’écoute mais mille façons de déplacer son attention à l’intérieur d’un paysage, et c’est ce que le Musée Réattu entend révéler à travers ce Prix ouvert aux artistes du monde entier, dont « La Chambre d’écoute » se fera l’écho.
Les nominé.e.s pour ce Prix étaient
Mark Ferguson / Présage (autoproduction, Grande Bretagne), Nikki Sheth / Mmabolela (autoproduction, Grande Bretagne), Fausto Caricato / Pizzo Marina, Estate 2019 (autoproduction Italie), Félix Blume / Amazônia (ARTE Radio, France), Jürgen Seizew / Watch your head (Deutschlandfunk kultur, Allemagne), Thibaut Quinchon / Dissociation, Vallée de la Rivière Rouge, juillet 2019 (autoproduction, Canada), Pablo Sanz / Strange strangers (Czech Radio, République Tchèque), Yoichi Kamimura / Hyperthermia (autoproduction, Japon), Marie-Clotilde Chery / Dans les pas des Pygmées (autoproduction, France)
Pablo Sanz, Strange strangers (Ecoute)
Mark Ferguson, Présage (Ecoute)
Le Prix du Musée Réattu / Ville d’Arles 2020 est attribué à
Pablo Sanz pour strange strangers - 37’28, Czech Radio, République Tchèque, avec l’aide de l’Institut Mamirauá (Brésil) et de la Fondation Santander
Artiste-compositeur-chercheur, il partage entre l’Espagne et l’Irlande du Nord. Sa pratique forme une enquête sans fin sur l'acte d'écoute, avec un accent sur les limites de la perception et de l'attention, encourageant une conscience écologique sensorielle.
Basé sur des enregistrements réalisés à l’intérieur des territoires d'Amanã et de Mamirauá au centre de l'Amazonie, la pièce propose des perspectives inhabituelles (en surface, sous l'eau et dans le registre des ultrasons), invitant à évoluer dans un monde singulier de vitalité et d'altérité non-humaines.
Une mention est accordée à Mark Ferguson pour Présage - autoproduction (Grande Bretagne)
Basé au Royaume-Uni, connu pour ses enregistrements évocateurs des espèces animales, Mark Ferguson est un artiste sonore et acousticien de la faune. Son travail a été diffusé et joué dans le monde entier.
« Réveillon du nouvel an 2020. Mes micros sont cachés dans un arbre sous un grand nid de corbeaux en Angleterre, près de la rivière Severn. À minuit, les villages et les villes environnantes rompent le silence. Des explosions retentissent au loin. Depuis une ferme voisine un coup de fusil est tiré en l’air avec une arme de chasse. Plus j’écoute cette scène — la peur soudaine et l’intimidation adressée aux autres espèces — plus je la comprends comme un avertissement, un présage pour 2020, lorsque la nature nous rappelle la place qui nous revient. »