On ne présente plus Lucien Clergue, le militant infatigable pour la reconnaissance de la photographie, le fondateur avec son complice Jean-Maurice Rouquette de la première collection photographique dans un musée des Beaux-Arts en France, le fondateur des Rencontres d’Arles, celui qui a obtenu que l’ENSP prenne ses quartiers en Provence….et surtout le photographe !
De décembre 2023 à fin d’année 2024, le musée Réattu lui rend hommage pour les 10 ans de sa disparition, à l’occasion d’expositions dossiers successives à travers les œuvres de la collection du musée qui couvre toute sa carrière avec plus de 400 photographies généreusement offertes à la ville d’Arles.
Le tournage du "Testament d'Orphée", long métrage réalisé par Jean Cocteau, a lieu dans le village des Baux-de-Provence et dans les carrières du Val d'Enfer entre le 7 et le 22 septembre 1959. Il se poursuivra à Nice, dans les studios de la Victorine, dans les décors de l'artiste à la villa Santo-Sospir de Saint-Jean-Cap-Ferrat et à Villefranche-sur-Mer. Ce film, puissamment onirique, est orchestré comme un conte moderne sur le mythe du Phénix ; Cocteau y a le premier rôle : celui d'un poète dont la mort et la résurrection transcendent l'espace et le temps.
Les scènes les plus irréelles sont tournées aux Baux, qui se voient peuplés par les figures de Minerve, du Sphinx et d'hommes-chevaux. C'est Picasso qui suggère cet environnement à Cocteau, après l'avoir lui-même découvert quelques années auparavant avec le peintre Yves Brayer : un village en ruines et inhabité, ayant pour écrin un paysage minéral et tourmenté, dont les cavités et les impressionnantes carrières de pierre auraient, d'après Frédéric Mistral, inspiré Dante pour l'Enfer de La Divine Comédie.
Lucien Clergue est chargé par Cocteau de repérer les lieux les plus propices au tournage et d'en assurer la couverture photographique. Le photographe a carte blanche. Il produira plus de deux milles clichés qui suivent la progression du script, accompagnent les journées de travail et captent des scènes en coulisses ou entre les prises. Il trouve dans cet exercice un subtile équilibre entre le document de tournage et une photographie plus libre et poétique, dans laquelle il laisse s'exprimer un sens aigu du récit et de la composition.
Montrées pour la première fois dans leur entièreté, les 10 photographies acquises en 2017, se concentrent sur la partie filmée aux Baux, qui exploitent pleinement des ressources locales : les paysages bien sûr, en eux-mêmes surréalistes, mais aussi la présence des gitans, qui logent dans les carrières et assistent à la mort du poète.